HPI signifie Haut Potentiel Intellectuel, c'est ce qu'on a appelé à d'autres époques les "enfants précoces" ou les "surdoués". Nombre sont ceux qui se questionnent sur une précocité intellectuelle pour eux-même ou leur enfant et souhaitent un diagnostic : ça fait partie des diagnostic "à la mode" si j'ose dire.
Mon enfant est-il HPI ?
Il n'y a qu'une seule et unique façon de répondre à cette question : c'est de passer un test psychométrique que seuls les psychologues réalisent. Ce test évaluera les différentes sphères du fonctionnement cognitif pour aboutir à des QI pour chaque sphère et un QI total. Le HPI a un QI supérieur à 130, là où la moyenne se situe à 100. Le QI ainsi mesuré n'est qu'un chiffre évaluant les capacités cognitives de la personne à un temps T. Ce chiffre est donc tributaire de l'état de la personne lors de la passation : la fatigue, le stress, l'état psychologique... peuvent influencer le résultat. Le chiffre donné se situe sur un continuum : on peut donc difficilement affirmer qu'une personne avec un QI à 129 n'est pas HPI.
Quelles sont les caractéristiques du HPI ?
A vrai dire, il n'y a pas de caractéristiques particulières. Les aspects qui sont souvent mis en avant (hypersensibilité, troubles des apprentissages, décrochage scolaire, difficultés relationnelles, dyspraxie...etc) reflètent les difficultés rencontrées par les personnes qui consultent et donc qui sont plus susceptibles d'être testées. Mais, il y a aussi tout un tas de HPI qui ne présentent pas de difficultés particulières et vivent tranquillement leur vie d'enfant puis d'adulte : ceux-ci ne seront probablement jamais testés.
Il apparait simplement que les enfants HPI se révèlent très pertinents et "connectent" vite ; ils peuvent présenter une curiosité et une créativité particulières. Les personnes HPI auraient des connexions neuronales plus nombreuses et plus efficientes.
Est-ce utile de faire évaluer son enfant si on le pense HPI ?
Quand on cherche à chiffrer l'intelligence, il faut toujours se demander à quoi cela va servir. Votre enfant percute vite, se montre vif, pose des questions surprenantes pour son âge...etc. OK. Mais qu'est-ce que cela changera à votre vie et à la sienne de savoir que son QI est à 120 ou à 135 ? Si l'enfant est en souffrance dans le milieu scolaire, l'évaluation peut être intéressante pour envisager un saut de classe ou des adaptations scolaires afin d'éviter l'ennui. Ceci dit, on peut aussi envisager de telles adaptations sans avoir le chiffre ; et d'ailleurs celles-ci peuvent être nécessaires y compris si l'enfant a un QI élevé mais en deçà de la limite pour être HPI.
Le risque d'une évaluation "juste pour savoir", c'est l'étiquetage. Les représentations liées au haut potentiel sont nombreuses et l'enfant risque d'être pris dans ces représentations et peinera à s'en libérer ou à évoluer sur certains points "il fait le cirque en classe mais c'est parce qu'il est HPI/il pleure facilement mais parce qu'il est HPI/Il ne fait pas de sport mais c'est parce qu'il est HPI/on est sans cesse en conflit mais c'est parce qu'il est HPI"...etc. Ainsi, on pourra passer à côté de la souffrance de l'enfant ou le penser uniquement à travers le prisme du haut potentiel. Pourtant, personne ne se résume à son QI. Qui est votre enfant ? Quels sont ses doutes, ses désirs, ses angoisses, ses envies, ses rêves, ses passions ? Où en est-il dans son développement psycho-affectif ? Ne risque-t-on pas de le stigmatiser, y compris à la maison, en se basant uniquement sur son développement cognitif.
Ainsi, l'évaluation psychométrique (mesure du QI) de l'enfant ne vous apprendra en réalité rien de ce qui fait que votre petit pique des colères incontrôlables, fond en larmes à la moindre occasion, mange ses manches de pull ou s'agite en classe. Qui plus est, ce chiffre ne vous donnera pas de clefs pour que votre enfant aille mieux. C'est bien à un niveau clinique, que ce soit dans la sphère éducative, pédagogique et/ou thérapeutique qu'il faudra agir et non à un niveau d'évaluation chiffrée.
Par ailleurs, ce chiffre peut aussi mettre l'enfant en souffrance qu'il soit effectivement reconnu HPI ou non. Qu'est-ce que l'enfant fait de cette information ? Comment se construit-il avec cette étiquette ? En quoi le HPI peut avoir une pression à réussir du fait de son haut potentiel ? Comment accepte-t-il d'être alors en échec ? Et l'enfant qui n'obtient pas le chiffre souhaité ? Comment le vit-il narcissiquement ?
L'intérêt d'avoir un chiffre sur le fonctionnement cognitif de son enfant dans le cas d'une précocité est donc, à mon avis, assez limité. Cette évaluation ne doit pas être prise à la légère et doit être réfléchie dans un but précis.
Quelles difficultés peuvent apparaitre chez l'enfant cognitivement performant ?
La plus commune des difficultés de l'enfant cognitivement performant (j'utilise cette dénomination de façon à englober le véritable HPI mais aussi l'enfant qui aura un QI à 120 et pourra vivre des difficultés semblables, à mon sens) est un décalage entre la sphère intellectuelle et une ou des autres sphères de son développement.
Ainsi, il peut y avoir des enfants qui auront surinvesti la sphère intellectuelle et langagière, qui sauront lire à 4 ans, mais qui seront fort en difficulté sur le plan moteur ce qui impactera tant la motricité globale que fine : il peine à écrire, est peu à l'aise corporellement, évite les activités sportives, se montre maladroit...
D'autres paieront leur trop grande pertinence intellectuelle par des angoisses importantes. En effet, le cerveau cogite vite et bien, ce qui a pour conséquences que l'enfant intègre des connaissances qui peuvent dépasser sa maturité affective et donc l'angoisser particulièrement. Ces enfants peuvent exprimer des angoisses liées à la mort, au fonctionnement de l'univers,... Pour le dire très simplement, il leur manque simultanément l'innocence protectrice de l'enfance et les capacités affectives pour prendre de la distance avec leurs connaissances.
D'autres présenteront un décalage entre leur maturité intellectuel et leur immaturité affective. Eh oui, ce n'est pas parce que le QI est à 140 que la maturité psycho-affective a suivi : il peut même y avoir une immaturité psycho-affective. On peut donc imaginer un enfant âgé de 7ans, en capacité de suivre les apprentissages d'enfants de 9ans, mais avec le développement psycho-affectif d'un enfant de 5ans. C'est là qu'il est important de se questionner avant de proposer un passage de classe à un enfant pertinent ou HPI. Si émotionnellement et affectivement, sa maturité ne suit pas, il risque d'être en difficulté avec ses pairs plus âgés : exclusion du groupe, moqueries, harcèlement... bref, être en mal-être dans le groupe classe qu'il intègrera.
Certains présentent un décalage entre leurs capacités cognitives et leur niveau scolaire. Qui dit enfant pertinent ne signifie pas "enfant brillant à l'école". Attention, ça ne signifie pas non plus "cancre à l'école", comme on peut parfois le lire. Simplement, entre les capacités intellectuelles et l'investissement scolaire ou le vécu de la place d'élève, il n'y a aucun rapport. On peut avoir un enfant normalement intelligent investissant le scolaire et aimant l'école qui aura de meilleurs résultats que son camarade HPI qui n'investit pas les apprentissages proposés en classe et n'aime pas l'école.
Une autre difficulté possible pour l'enfant pertinent diagnostiqué ou non HPI est un vécu de décalage avec ses pairs du même âge. Là non plus, ce n'est pas commun à tous, mais il peut apparaitre un sentiment de ne pas être compris, des intérêts différents qui donnent une place à part. Le risque est alors l'isolement et un mal-être dans les relations sociales. Cependant, il apparait aussi que l'enfant HPI peut démontrer de bonnes capacités d'adaptation pour s'intégrer malgré tout au groupe de pairs.
Au final, comment accompagner au mieux les enfants HPI ?
Au risque de décevoir la réponse est : il n'y a pas de réponse toute faite à cette question ; chacun étant tout à fait individuel. Pour certains enfants, la réponse sera un saut de classe, pour d'autres la réponse sera de rester dans l'ignorance de leur HPI, pour d'autres encore il faudra parvenir à les investir dans le milieu scolaire en étant novateur. L'enfant HPI a pour avantage cette pertinence et cette créativité qui fait qu'une co-construction avec lui d'un projet scolaire qui lui correspond est possible, à condition d'avoir des instituteurs prêts pour cela.
En dehors des difficultés scolaires, certains parents d'enfants HPI se sentent perdus avec leur petit zèbre (comme ils sont mignonnement surnommés) et ne savent comment les élever avec leurs particularités. Là, mon conseil serait le suivant : oublier que votre enfant est HPI, traiter-le comme un être humain à part entière avec son fonctionnement propre, sa personnalité propre. La relation parents-enfant est toujours une situation étrange où il faut jongler avec la personnalité de chacun, les parents font des essais et des erreurs : ceci est vrai pour tout enfant et le HPI ne fait pas exception. Votre enfant HPI est différent de son frère ou de sa soeur, non pas parce qu'il est HPI, mais parce qu'il est lui avec tout ce qui le constitue, avec ses capacités et ses difficultés, avec son caractère et son fonctionnement cognitif, émotionnel, psycho-affectif, relationnel...etc. Il ne se limitera jamais à un QI et se fixer sur cette information ne vous aidera pas à l'élever. Il est friand de connaissances ? Accompagnez-le dans ce désir. Il ne souhaite pas en faire plus que nécessaire à l'école ? Entendez ce choix. Il exprime un mal-être ? Ecoutez-le sans banaliser sous prétexte "parce qu'il est HPI". Si vous peinez à l'accompagner et que vous le sentez en souffrance, vous pouvez vous tournez vers un professionnel. Sa souffrance et les réponses à y apporter se situeront toujours dans sa personnalité et non dans son QI.