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Des bienfaits de l'ennui chez l'enfant (et chez l'adulte)

Faut-il laisser l'enfant s'ennuyer ? OOOOH OUI ! Un très grand oui ! L'ennui a de belles vertues. A remplir les planning de nos enfants d'activités diverses et variées, on ne leur laisse plus l'opportunité de se retrouver seul face à soi-même, de prendre le temps de penser ou de trouver comment s'occuper par eux-même. Ainsi, l'enfant se retrouve dans un rythme effréné où l'agir passe avant la pensée. Alors, quand il se retrouve à ne rien faire, il expérimente un vide insoutenable et... s'agite en tout sens ou sollicite sans cesse son parent ou cherche refuge dans la consommation d'écrans... Mais l'enfant qui ne s'est jamais ennuyé deviendra un adulte qui ne sait pas s'ennuyer : quelles peuvent en être les conséquences ?

 

Les bienfaits de l'ennui donc :

- développer sa capacité à être seul. Oui, nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin de l'autre pour notre équilibre psychique. Mais, la vie amène l'enfant à vivre des séparations et des périodes de solitude : que ce soit le soir au moment de sombrer dans le sommeil, lorsque les parents le déposent à la crèche ou lorsqu'ils intiment à leur progéniture de bien vouloir aller jouer calmement dans leur chambre. Autant de moments où l'enfant a à gérer le manque de l'absence de sa figure d'attachement. Ce manque d'abord insoutenable pourra ensuite être symbolisé "maman/papa va revenir". Et petit à petit, l'enfant développera sa capacité à être et à faire seul. Il s'individualise, se différencie, devient un être à part entière : il se découvre des désirs, des rêves... Pour donner à l'enfant l'opportunité de développer sa capacité à être seul, il ne faudra pas vouloir l'occuper à tout prix en permanence et enchainer les activités. Attention, je ne suis pas en train de dire de laisser l'enfant en permanence seul, mais bien de laisser de tels temps exister. Cela nécessitera de supporter les pleurs du jeune enfant (quand on s'absente pour quelques minutes) ou ses râleries quand, l'enfant plus grand, doit trouver une occupation par lui-même. Ces moments où l'enfant fait face à la frustration de la solitude peuvent être accompagnés (en verbalisant par exemple), mais ne devront être comblés (ce sont les moments souvent choisis par les parents pour proposer les écrans) au risque que l'ennui ne puisse advenir.

 

A l'âge adulte, avoir su développer cette capacité à la solitude sera bien utile. Cela permettra de mieux faire face à une période de chômage, à des périodes de célibat, au passage à la retraite... on peut estimer que nous serons tous confrontés à un moment ou à un autre à une forme de solitude et de vide dans notre vie. Si nous n'en avons pas la capacité, le mal-être ressenti sera bien plus conséquent et potentiellement nous développerons des troubles psychologiques.

 

- développer sa curiosité : Pour avoir l'occasion d'aller découvrir le monde par soi-même et de prendre plaisir en cela, il faut avoir l'espace nécessaire pour le faire. Un enfant dont on remplit le planning et auquel on ne laisse pas de marge de manœuvre pour aller chercher des activités ou des infos par lui-même ne développera pas sa curiosité. Il attendra que l'adulte lui dise quoi faire, comment s'occuper. L'adulte peut être celui qui met à disposition de quoi assouvir la curiosité, mais il doit aussi laisser un espace de liberté pour que cela émerge. 

A l'âge adulte, la curiosité devient souvent plus intellectuelle ou relationnelle : ce sera le plaisir de voyager pour découvrir d'autres cultures, le plaisir de visiter, lire, s'intéresser au monde qui nous entoure, et continuer ainsi à apprendre toute sa vie. Cela favorise une ouverture au monde plutôt qu'un repli narcissique (bien trop à l’œuvre dans nos sociétés actuelles).

 

- développer sa créativité : ce point est fortement lié au précédent. C'est  aussi parce qu'il y a un espace de liberté et d'ennui possible que la créativité pourra se développer. C'est parce qu'on ne stimule pas systématiquement le petit avec de nouveaux jouets qu'il pourra détourner le jouet, l'utiliser autrement, s'inventer d'autres scénarios... bref, se montrer créatif. Cela nécessite de laisser l'enfant se confronter à l'ennui d'un jeu qu'il maitrise et connait parfaitement, et de le laisser se demander "et maintenant qu'est-ce que je peux encore faire avec ça ?". C'est aussi parce qu'on n'impose pas des activités pour remplir à tout prix le temps du week-end ou des vacances que l'enfant aura l'opportunité de développer de nouvelles idées d'occupation. Il est alors intéressant de le laisser faire de la récup' pour créer par lui-même et non pas en lui imposant la dernière activité manuelle vue sur pinterest. Bien sûr, au début cette créativité devra être encouragée voire accompagnée, mais petit à petit l'enfant se saisira de ces temps d'ennui pour créer par lui-même, et il pourrait bien nous surprendre.

 

Devenu adulte, celui pour lequel on n'aura pas systématiquement comblé son désintéressement d'un jeu par un autre, mais auquel on aura laissé l'opportunité de s'ennuyer et de faire preuve de créativité, fera sûrement preuve d'une plus grande stabilité dans sa vie. Il ne se lassera pas systématiquement d'un travail, d'un loisir, d'un conjoint après quelques mois. Quand la magie de la découverte sera passée, il utilisera les ressources qu'il a développé dans l'enfance pour faire preuve de créativité afin de développer ses compétences ou de nouvelles idées dans le cadre du travail ou des loisirs, afin de trouver des solutions aux problématiques qui émergeront dans son couple. On peut aussi imaginer qu'il sera moins sensible à la consommation de masse, n'aura pas toujours besoin d'une nouvelle paire de chaussures ou du dernier modèle de portable à la mode.

 

- développer ses capacités de penser et de symboliser : qui ne se pose jamais, qui ne cesse de passer d'une activité à une autre, ne prend plus le temps de penser. Ce qui peut parfois être un moyen de défense efficace à court terme (Les gens qui traversent une épreuve et disent "il faut que je travaille/que je m'active sinon je pense et ça ne va pas"), peut aussi être une vraie fragilité psychique quand c'est un fonctionnement continuel : c'est alors un défaut de symbolisation. Il est donc nécessaire pour l'enfant de développer sa capacité à symboliser, à mettre du sens, à penser, pour ne pas être toujours dans l'agir, l'action, l'agitation. Pour le tout-petit bébé, le parent met en sens les vécus incompréhensibles de son monde interne et externe : il pense les éléments pour le bébé. Cela devra s'amenuiser avec le temps et l'enfant sera alors de plus en plus en capacité de penser par lui-même, de mettre du sens aux évènements qu'il vit et à ses ressentis. Cette fonction de penser ne pourra advenir que si le parent lui laisse l'opportunité d'émerger en permettant à l'enfant de se différencier (d'exister par lui-même) et en lui offrant des temps pour ne pas être dans l'action, mais dans la pensée. Je ne parle pas ici de lui faire faire de la méditation, mais bien de laisser du vide dans l'emploi du temps des enfants.

 

Devenu adulte, le sujet pourra utiliser sa pensée pour mettre du sens sur ses vécus. Ses capacités de symbolisation lui permettront de faire face aux évènements difficile de la vie, mais aussi de ne pas être systématiquement dans l'agir.

 

Si l'ennui nous renvoie à un vide angoissant qu'il faut à tout prix éradiquer de nos vies et de celles de nos enfants, nous sommes dans le faux. Car l'ennui est cet espace qu'on ne s'accorde plus aujourd'hui, ce manque qui nous fait tant défaut, et qui pourtant nous permettrait d'être bien plus épanoui. L'ennui est finalement nécessaire pour la bonne santé psychique de l'individu. Lutter contre l'ennui, c'est remplir tout, tout le temps, que plus rien ne soit jamais manquant dans nos vies, et par conséquent, dans celle de nos enfants. Hors, la vie, que ce soit la nôtre ou celle de nos enfants, ne saurait être exempt de manque. Le manque sera là, nécessairement. Et, à ce moment-là, nos petits qui n'auront jamais appris à manquer, comment se dépatouilleront-ils dans leur vie ? Comment feront-ils face au manque qui ne manquera pas de sonner à leur porte ? Se noieront-ils dans l'action à tout prix ? Recourront-ils à des moyens externes quitte à sombrer dans les addictions ? Combleront-ils avec des relations amoureuses peu saines ? Feront-ils des enfants dans le seul but de combler le vide de leur vie ? Qu'adviendra-t-il alors d'une société où chacun doit remplir et combler l'autre en tout temps, à tout instant ?  Comment les enfants d'une telle société pourront-t-ils s'affirmer ? Comment pourront-t-ils rêver ?  Comment alors pourront-ils devenir quelqu'un ? Comment pourront-ils survivre ?

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B
Et j'ajoute : faire face au départ des enfants de la maison.
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